Bienvenue dans l'édition 19 de ma newsletter : le fil d'Agathe.
Chaque dimanche à 10h, je vous déroule un fil d'inspiration pour vivre une vie alignée avec qui vous êtes vraiment.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler du déterminisme social et comment celui-ci influence notre orientation professionnelle.
Le grand écart social
Il y a quelques semaines, je suis allée à la découverte de ma famille dans le Nord du Vietnam.
Une chose qui m'a marquée, c'est le sentiment de traverser plusieurs mondes en l’espace de 24 heures.
La maison de ma grand-mère
Au début du voyage, je suis allée rencontrer pour la première fois ma grand-mère maternelle. Elle a 90 ans et son dos est littéralement plié en deux lorsqu'elle marche.
Elle vit avec mon oncle et sa femme, qui prennent soin d’elle. Tous les trois habitent une petite maison de campagne, au bord de la route, dans des conditions rustiques.
La maison est de plain-pied, plus profonde que large. Il n'y a pas de vitres aux fenêtres. Les finitions sont quasi inexistantes. Le sol en béton, poli par le temps, porte les traces d’une vie de labeur.
Dès l’entrée, un salon sert à la fois de salle à manger et de pièce à vivre. La pièce est décorée de tableaux et de statues religieuses représentant la Vierge Marie ou des scènes de la Bible, à côté d'un autel des ancêtres. Au centre, une table en bois, quelques chaises, et un lit d’appoint rudimentaire : un sommier surmonté d’une simple natte en bambou. Les repas se prennent assis au sol, sur une natte que l’on déploie pour l’occasion.
En avançant vers le fond de la maison, deux petites chambres se succèdent, le long d’un couloir étroit : celle de mon oncle et ma tante, et celle de ma grand-mère. Chaque chambre abrite un lit, quelques vêtements suspendus à des porte-manteaux, et c’est tout.
Au bout du couloir, la cuisine. Pas d’évier, juste un robinet près du sol avec une évacuation sommaire. La cuisson se fait sur des réchauds posés à même le sol ou sur de petites étagères de fortune. La lumière naturelle y pénètre à peine. L’ensemble des pièces baigne dans une semi-obscurité permanente.
Enfin, tout au fond, une pièce qui ressemblerait à une grange. Le sol y est couvert de poussière et de terre. Il y'a beaucoup de bazar : des sacs, des seaux, des outils. Au fond, la salle de bain et les toilettes sont installées dans des constructions en parpaings bruts. Des toiles d’araignées tapissent les coins des murs. L’air est imprégné d’une odeur de ferme, mêlée à l’humidité et à la poussière.
Mon oncle et sa femme tiennent une ferme d'élevage de crevettes. Leur situation financière est très modeste. Ils n'ont pas pu subvenir à l'éducation de leur fille qui a dû travailler par elle-même pour aider sa famille et faire ses études. Aujourd'hui elle est actuellement au couvent pour devenir religieuse.
La demeure de mes cousins à Hanoï
Quelques jours plus tard, j'ai été hébergée par des cousins éloignés. Le terme exact serait des cousins issus de germains : nous partageons un arrière-grand-père en commun.
Contrairement à ma grand-mère et mon oncle, ils vivent dans une maison cossue à quatre étages dans la banlieue de Hanoï, la capitale du Vietnam. J'étais hébergée dans une chambre avec un lit en bois nacré et des toilettes japonaises de dernière génération.
L'homme est antiquaire. Il collectionne des antiquités vietnamiennes dont certaines sont dénichées en France. Son fils a repris l'affaire familiale, il a été formé chez Drouot, le groupe leader des ventes aux enchères dans le marché de l'art et il parle Français.
La maison était envahie d'antiquités dont certaines étaient protégées sous vitrine : mobilier ancien, bijoux venant de civilisations disparues, sculptures et statues, vases en porcelaine... J'avais l'impression d'être dans un musée ou une caverne d'Ali Baba. Dans la maison, il y'avait un ascenseur pour pouvoir transporter les antiquités lourdes qui desservait tous les étages.
Ma petite-cousine, qui a 13 ans, est mannequin et voyage régulièrement dans les grandes capitales de la mode pour des Fashion Weeks et d'autres événements VIP. Elle revenait tout juste du dernier Festival de Cannes où elle a été prise en photo sur le tapis rouge.

Un voyage dans les classes sociales vietnamiennes
Que ce soit dans la famille modeste de ma grand-mère ou chez mes cousins plus aisés financièrement, j'ai été accueillie de la même manière : avec joie, sourire et générosité.
Des deux côtés, nos hôtes nous ont préparé des repas délicieux et nous ont promené pour nous faire visiter les points d'intérêts de leur région. Malgré les différences de classe sociale, je n'ai pas ressenti de différence dans l'accueil grâce à ce lien familial sacré. Et cela m'a profondément touchée.
Passer d'un monde à un autre en l'espace de 24h, et tout cela grâce au laisser-passer des liens du sang, aussi éloignés soient-ils, était à la fois fascinant et vertigineux. Je me suis rendue compte d'une certaine réalité et diversité des styles de vie au Vietnam, entre la campagne et la ville, entre la pauvreté et la richesse.
Ce contraste m’a fait réfléchir à ces multiples vies qui coexistent, aux innombrables réalités que l’on ignore parfois. Et à une question essentielle : quelle vie ai-je envie de choisir pour moi-même ?
Le déterminisme social

Ce grand écart social m’a fait penser à Pierre Bourdieu, sociologue français qui a mis en lumière le déterminisme social.
Selon lui, notre parcours de vie est largement influencé par :
- notre habitus (nos habitudes, nos réflexes sociaux),
- notre capital social (les réseaux, les relations),
- notre capital culturel (langage, références, diplômes),
- et notre capital économique.
Autrement dit : ce à quoi vous aspirez, ce que vous pensez possible, ce que vous osez rêver… tout cela est profondément marqué par le milieu dont vous venez.
J'ai pu le constater en voyant les opportunités que ma petite-cousine mannequin a eu grâce aux relations de ses parents ou encore en observant mon autre petite-cousine jouer à la vente aux enchères en vendant ses jouets à la famille. Elles sont déjà influencées dès le plus jeune âge par leur environnement familial.
Classe sociale et choix professionnels

En ce moment, j’accompagne une cliente qui n’a pas eu l'occasion d’être exposée à une grande diversité de milieux professionnels. Ses parents étaient professeurs, entourés exclusivement d’autres professeurs. Elle n’a connu que l’univers de l’école, avec pour horizon tout tracé des études supérieures et un métier intellectuel. Jamais la question d'une autre voie ne s’est vraiment posée.
Heureusement pour elle, cette orientation correspondait aussi à ses aspirations à l'époque. Mais ce n’est pas le cas de nombreuses personnes qui se retrouvent fortement influencées, voire enfermées, dans un chemin imposé par leurs parents et déterminé par leur classe sociale sans que cela corresponde à leurs envies réelles.
Néanmoins, parmi mes clients, j'observe aussi la tendance opposée : des choix professionnels guidés par un désir de révolte et un besoin de s'émanciper de leur milieu social. C'est souvent par la voie des études que ces personnes réussissent à obtenir une meilleure situation que leurs parents. Ils deviennent alors des transfuges de classe.
Transfuge de classe

Peut-être avez-vous déjà entendu ce terme : “transfuge de classe”. C’est le nom que l’on donne à celles et ceux qui sont nés dans un milieu populaire et qui ont accédé, par les études ou la carrière, à un univers social plus élevé.
Autrement dit : ils ont changé de classe sociale. Mais ce passage n’est pas sans coût. Cela engendre souvent des remises en question identitaires.
Beaucoup de transfuges ont “réussit” socialement, gagné en confort, en reconnaissance, en stabilité, mais se sentent étrangers partout. Trop “bourgeois” pour leur famille d’origine. Trop “imposteurs” dans leur nouveau milieu.
C’est une forme de fracture intime, souvent silencieuse, parfois douloureuse :
- Le sentiment de trahir ses racines.
- La peur de ne pas être légitime dans son nouveau monde.
- Une culpabilité de réussir, quand d’autres n’ont pas eu cette chance.
Cela a été mon cas à deux reprises dans mon histoire. En ayant été adoptée, j'ai quitté une famille de fermiers vietnamiens pour intégrer une autre famille dans un pays développé : la France.
Puis j'ai à nouveau quitté ma famille française, venant d'un milieu ouvrier en Bretagne, pour faire mes études à Sciences Po Paris où j'ai découvert un tout nouvel environnement social, encore plus riche et éduqué. Je suis ensuite restée vivre à Paris pendant 12 ans avant de déménager au Vietnam et me reconnecter à mes origines premières.
Avec beaucoup de travail sur moi-même, j'ai fini par faire des choix professionnels uniques, indépendamment des différents milieux d'où je venais. Parfois j'ai l'impression que ma vie est un long voyage. Un voyage entre plusieurs mondes destiné à me faire prendre toujours un peu plus de recul, pour répondre à ma quête de vérité et de liberté.
Trouver sa propre voie

Être transfuge de classe, c’est souvent vivre entre deux mondes. Mais cela peut devenir une force immense. Cela nous donne une capacité rare à comprendre plusieurs langages, naviguer dans différents environnements, créer des ponts là où beaucoup ne voient que des murs.
Encore faut-il reconnaître ce parcours, le mettre en mots, et se réconcilier avec ses multiples appartenances.
Aujourd'hui, j'observe tous ces milieux sociaux avec un certain recul, en posture d'observatrice. J'ai conscience des multiples chemins qui existent et j'ai le sentiment que cela me procure une plus grande liberté de choix.
C'est cette vision d'ensemble, cette ouverture d'esprit et cette liberté, que je souhaite partager et transmettre aux personnes que j'accompagne.
Lorsque je démarre un bilan de compétences, je commence toujours par écouter l’histoire de la personne. Ses origines, son environnement familial, les choix qu’elle a faits… et ceux qu’elle n’a pas vraiment choisis.
Cette première étape permet de prendre du recul sur l’influence de son histoire dans son parcours professionnel.
Mais surtout, elle offre un espace pour reprendre la main : poser un regard neuf, et choisir librement l'avenir qu'elle souhaite désormais avoir, avec une nouvelle perspective.
🤔 Et vous ?

- Dans quelle mesure votre orientation scolaire a-t-elle été influencée par votre milieu familial ou social ?
- Avez-vous eu le sentiment de choisir votre voie… ou de suivre une trajectoire déjà tracée ?
- Y a-t-il des options que vous n’avez jamais envisagées, simplement parce qu’elles ne faisaient pas partie de votre environnement ?
N'hésitez pas à me partager vos réflexions en répondant à cette newsletter. Je serais ravie de continuer la discussion avec vous.
Si ce que je partage vous plaît, il y a 3 manières dont je peux éventuellement vous aider :
1. Recevez mon programme d'auto-coaching "7 jours pour se poser les bonnes questions" et découvrir de nouvelles perspectives sur la manière de construire votre orientation professionnelle.
2. Envisagez un bilan de compétences éligible au CPF pour faire le point sur votre parcours et définir un projet professionnel en phase avec vous-mêmes.
3. Profitez de mes séances de coaching sur-mesure et à prix conscient pour vous débloquer face à un obstacle ou être accompagnés dans la mise en œuvre de vos aspirations.
Enfin : n'hésitez pas à interagir avec moi en cliquant sur le pouce 👍👎pour me donner votre feedback sur cette newsletter et/ou en me répondant directement à cet email. Je réponds à chaque personne qui m'écrit.