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Changer de point de vue sur son histoire

On ne peut pas changer notre passé. Mais on peut changer notre regard sur ce passé.
Changer de point de vue sur son histoire
Dans: Newsletter - Le fil d'Agathe

Bienvenue dans l'édition 15 de ma newsletter : le fil d'Agathe.

Chaque dimanche à 10h, je vous déroule un fil d'inspiration pour aller vers une vie plus alignée avec qui vous êtes vraiment.

Cette semaine, je voudrais vous parler de comment changer de point de vue sur son histoire.

En effet, cette année, j’ai fêté mes 30 ans au Vietnam... mais pas n’importe où : auprès de ma famille biologique.

La date était particulièrement symbolique : le 30 avril.

  • Pour moi : mes 30 ans.
  • Pour le Vietnam : les 50 ans de la fin de la guerre.

Deux anniversaires. Deux histoires. Chacune pouvant se raconter sous différents points de vue : heureux ou malheureux.

Cette année, la visite de ma famille biologique a été un pivot dans mon évolution et ma construction identitaire.

Mais avant de vous raconter comment ce séjour m'a transformée, j’aimerais vous donner un peu de contexte sur mon histoire.


Ce que je croyais savoir sur mon histoire

J'ai été adoptée à l'âge de 5 semaines

Je suis née au Vietnam et j'ai été adoptée bébé par des Français. J'ai toujours cru que ma famille vietnamienne m'avait abandonnée car elle ne pouvait pas s'occuper de moi.

Puis à l'âge de 22 ans, tout bascule.

Je suis recontactée par ma famille biologique sur Facebook qui est à ma recherche depuis des années. J'apprends alors que l'intermédiaire à qui ils avaient fait confiance pour arranger l'adoption (une religieuse) leur avait raconté qu'il s'agissait d'un placement en famille d'accueil en France, qu'ils pourraient garder contact avec moi et que je reviendrais dans la famille à 18 ans.

Quand ils n'ont plus eu de nouvelles de moi après l'adoption, ils ont compris qu'ils avaient été trompés, et pendant 22 ans, ont essayé de me chercher en vain, sans savoir ce que j'étais réellement devenue. C'est finalement grâce à une petite-cousine biologique, elle aussi confiée à l'adoption en France, qu'ils retrouvent ma trace.

Ma petite-cousine, dont les parents adoptifs avaient conservé les coordonnées de sa famille vietnamienne, retourne au Vietnam pour leur rendre visite en 2017. Mes parents vietnamiens lui demandent alors de les aider à me retrouver. Elle peut lire un document en français à mon sujet, ce qui permet à ma famille d'identifier mon prénom et mon nom français actuels, puis de retrouver mon contact sur Facebook.

C'est ainsi qu'en Décembre 2017, je découvre l'existence de ma famille biologique, et avec elle une partie de mon histoire. J'ai 8 frères et 1 sœur, ils vivent à la campagne, mes parents sont fermiers et agriculteurs. Ils n'ont jamais eu l'intention de m'abandonner. Tout ce qu'ils voulaient, c'était me donner cette opportunité de grandir en France pour avoir une vie meilleure que la leur.

Ma propre histoire avait été déformée. Et ce que je croyais vrai… ne l’était pas.

Parfois, il faut déconstruire ce qu’on croit savoir, pour faire place à la vérité. Une vérité souvent plus complexe, mais aussi potentiellement libératrice, que les récits simplifiés de notre enfance.

La découverte de la vérité

En 2017, je suis donc surprise, moi et mes parents adoptifs, d'apprendre la version racontée à ma famille biologique pour les persuader de m'envoyer à l'étranger.

Je découvre que mon dossier d'adoption a été falsifié, car les informations que j'avais sur l'identité de ma famille biologique n'étaient pas les bonnes : en particulier un faux acte de naissance et acte d'abandon que ma mère n'aurait jamais signés.

Je découvre alors l'existence des adoptions non consenties et du système mercantile qui se cache derrière les adoptions internationales. Les intermédiaires qui mettent en relation les familles adoptantes et biologiques font tout pour trouver des enfants à faire adopter, quitte à persuader les parents biologiques par des mensonges. Ils tirent ensuite leur profit de ce système en captant des financements étrangers, des dons et des pourboires.

Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez regarder le documentaire d'Arte très bien réalisé sur le sujet : "Adoption internationale, un scandale planétaire".

Vous pouvez aussi consulter ce petit guide de l'adoptant, rédigé par un gendarme français au Consulat de France au Vietnam en 1995. Ses conseils, qui se veulent utiles et bien intentionnés pour les parents adoptants, mentionnent de manière très transparente l'aspect "intéressé" de l'adoption chez certains intermédiaires au Vietnam.

Notre histoire personnelle s'inscrit toujours dans une Grande Histoire plus vaste, celle de notre pays, d'un contexte socio-économique et culturel, qui influence nos trajectoires et nous dépasse.

Une première rencontre traumatisante

Pour moi, c'était stupéfiant d'apprendre toutes ces informations. Je ressentais de la curiosité et de l'excitation, mais aussi des doutes, des peurs, de la méfiance envers ces gens que je ne connaissais pas.

Et à 22 ans, ma vie était en train de se construire. J'étais étudiante à Sciences Po, présidente d'une association, préoccupée par les examens, les projets, les amis, les amours. Je n'avais pas l'espace mental pour absorber ces nouvelles données.

Ce n'est que deux ans plus tard, en 2019, que je suis enfin allée rencontrer ma famille biologique en vrai. Et je n'avais même pas cette intention au départ ! Je souhaitais voyager seule en Asie, pour me reconnecter à moi-même... et en étant si proche du Vietnam, je me suis dit que ça serait l'occasion d'aller voir ma famille. Un prétexte inconscient ? Peut-être...

La première rencontre a duré 3 jours et a été un traumatisme pour moi. Mon retour était comme l'événement de leur vie. Seule au milieu d'une trentaine de personnes qui m'attendaient à l'aéroport, avec la présence d'un caméraman, je me suis fait filmer, prendre en photo et j'ai serré des mains à tout un tas de personnes dont je ne retenais pas les noms ni leur place dans la famille. Les 3 jours ont été un tourbillon où j'ai été présentée à des gens, promenée dans des endroits et me suis vue offrir tout un tas de cadeaux. A la fin des 3 jours, j'ai pleuré dans l'avion, par le soulagement de la pression qui se relâche et le retour à moi-même, tellement je m'étais sentie submergée et dépossédée de qui j'étais.

Mes parents, mes 9 frères et sœur, et moi en 2019

J'ai mis du temps à savoir ce que je voulais faire de cette famille biologique, quelle place j'avais envie de lui donner dans ma vie et si j'en avais vraiment envie. La barrière de la langue, les différences culturelles et l'envahissement que j'avais ressentis la première fois m'empêchaient d'aller vers eux, de peur de sombrer à nouveau dans le malaise.

J'ai attendu 5 ans, en 2024, pour aller les revoir à nouveau. Encore une fois, ce n'était pas le but du voyage... Je partais au Vietnam pour assister à un séminaire international, et tant qu'à faire, je me suis dit : "autant y rester plusieurs semaines". J'en ai donc profité pour aller visiter ma famille proche pendant 2 jours et ma famille plus éloignée du côté de mon père pendant une journée. Cette deuxième rencontre avec la famille s'est mieux passée, car plus détendue, mais j'ai quand même ressenti cette oppression dans quelques situations où j'avais l'impression de ne rien maîtriser de ce qui se passait, malgré leur gentillesse et leur générosité.

J'ai aussi été beaucoup perturbée par la rencontre avec Soeur Alexia, la religieuse qui avait manipulé nos familles selon leurs témoignages. Mes parents vietnamiens m'ont donné son adresse et je suis allée la voir dans le dispensaire où elle vit et s'occupe de soigner des personnes pauvres avec d'autres religieuses. Nous avons bu du thé et mangé des gâteaux, elle m'a fait visiter son dispensaire et m'a parlé de sa vie. Mais sur le sujet de mon adoption non consentie et mon dossier falsifié, elle n'a pas admis sa responsabilité ni expliqué ses motivations, en disant "qu'elle n'était que traductrice" et que si des intermédiaires prenaient de l'argent, ce n'était pas elle.

Discussion avec Soeur Alexia en 2024

Lors de mon expatriation au Vietnam en 2025, j'avais donc encore ces deux expériences difficiles en mémoire. Je ne savais pas avec certitude quand j'allais visiter ma famille dans cette nouvelle aventure de vie qui s'ouvrait pour moi.

J'ai donc pris environ 3 mois pour voyager dans le pays, sans en informer ma famille, en attendant le bon moment pour les recontacter.

Une date symbolique

Le drapeau vietnamien, symbole de fierté nationale

Ce n'est pas toujours facile de trouver le bon moment pour aller voir sa famille, tant cette visite peut sembler non prioritaire par rapport à d'autres aspects de la vie. Dans beaucoup de familles, c'est la fête de Noël qui permet de se réunir, avant que tout le monde ne reparte vaquer à ses occupations. Nous avons parfois besoin de ces dates symboliques pour déclencher l'occasion de se voir.

C'est grâce au symbolisme que j'ai décidé de retourner voir ma famille le jour de mon anniversaire : le 30 avril.

Cette date, qui est ma date de naissance, est également spéciale dans l'histoire du Vietnam car elle fait référence au 30 avril 1975, quand les troupes nord-vietnamiennes sont entrées à Saïgon, signant ainsi la fin de la guerre du Vietnam.

Cette date est célébrée tous les ans, c'est un jour national férié au Vietnam. Et ce qui est intéressant, c'est que cette date a deux significations : pour les communistes qui ont gagné la guerre, c'est la réunification du pays entre le Nord et le Sud. Pour les libéraux qui l'ont perdue, c'est l'échec de la démocratie et l'exil des "boat people".

En 2025, la date est d'autant plus symbolique pour le Vietnam et pour moi : elle célèbre les 50 ans de la fin de la guerre du Vietnam et mes 30 ans d'existence.

On peut voir cette date selon deux points de vue :

  • celui de l'exil, de la séparation, de la perte, et de la souffrance.
  • ou celui de la victoire, de la paix, de la réunification, et de la fierté d'appartenir.

Je réalise que mes deux premiers voyages au sein de ma famille étaient teintés par la peur et mes questionnements sur le passé. Et maintenant, j'ai l'impression que mon troisième voyage cette année a plutôt adopté l'autre point de vue et que j'ai réussi à faire de la place aux aspects également joyeux de ces retrouvailles.

L'intention qui change tout

Moi participant à la récolte des noix de cajou dans le champ familial cette semaine

Aujourd'hui, connaissant ce contexte sur ma relation avec ma famille biologique, j'observe après cette troisième rencontre que mon coeur s'est ouvert.

J'ai passé 5 jours avec eux, ce qui est déjà un record par rapport à mes précédentes visites. Mais surtout, je constate que j'ai traversé un processus de digestion et de maturation intérieure depuis 8 ans qui m'a permis de faire le choix de retourner vivre au Vietnam, d'apprendre le Vietnamien et la culture vietnamienne aujourd'hui.

Cette intention forte m'a mise dans une autre disposition d'esprit. Je suis venue les voir avec curiosité, souplesse et patience. Et cette posture a tout changé.

Au lieu de me sentir gênée par leurs cadeaux, j'ai appris à recevoir. Au lieu de me sentir agacée par les imprévus, j'ai appris à rire. Au lieu de me sentir préoccupée par l'emploi du temps et le contrôle de mes journées, j'ai appris à me laisser porter. En acceptant leurs propositions d'activités sans chercher à suivre mes préférences personnelles, j'ai découvert des aspects de leur vie que je n'aurais pas pu connaître autrement, et aller encore plus à leur rencontre.

Ainsi, contrairement aux années précédentes, je ne me suis pas sentie frustrée, impatiente ou dépassée. Au contraire, j'ai beaucoup rigolé et partagé de magnifiques souvenirs avec eux qui me donnent envie de les revoir plus souvent.

C'est fou comme notre état d’esprit façonne notre expérience. On ne peut pas changer notre passé. Mais on peut changer notre regard sur ce passé. En comprenant le contexte, en replaçant les intentions, en essayant de se mettre dans les chaussures de l'autre et en se libérant des récits figés pour ré-écrire le sien.

Ce n’est pas simple et cela prend du temps. Mais c’est possible.

Je vous raconte la suite plus en détails la semaine prochaine !


Et vous ? 🤔

  • La manière dont vous interprétez un élément de votre passé a-t-elle évolué au cours des années ?
  • Quel était votre point de vue il y a 5 ans ? Et aujourd'hui ?
  • Et dans le futur, avec quel point de vue souhaiteriez-vous être capable de l'aborder ?

N'hésitez pas à m'écrire pour me partager vos ressentis et réflexions, je serais ravie de continuer la discussion avec vous.

A bientôt,


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